Masses noires, le titre de la nouvelle série de Frédéric Atlan fait référence à l’existence d’une matière noire qui passionne depuis presque un siècle les astrophysiciens. Cette matière dont nous ne savons rien, bien qu’elle constitue près de 25% de notre univers. De même que nous ne savons rien de ces « masses noires » qui hantent les images de ce photographe tels des mégalithes érigés hors du temps.
Il y a chez cet artiste, depuis ses débuts, un désir viscéral d’intrusion dans le champ photographique. Pour réaliser cette nouvelle série, il a travaillé avec des feuilles de papier Canson noires de format raisin qu’il emporte avec lui lors de ses déplacements. Une fois le lieu choisi, de préférence un lieu de passage quasi désert tels la place d’un village, le quai d’une gare de province, la nef d’une église… il froisse et déploie ces feuilles à la manière d’un rituel. Adviennent alors dans ces lieux ordinaires des présences silencieuses et mystérieuses.
Des masses noires aux formes incertaines, dotées d’un poids et d’une densité qui tendent au sculptural. L’impression de monumentalité et l’étrangeté qui s’en dégage contrastent avec la modestie et la simplicité du procédé utilisé qui se trouve ainsi occulté. Dans ce besoin irrépressible de l’artiste de mettre en scène le réel, de le brouiller, de le réorganiser, se lit la tentative de donner forme à un espace mental. Pauline Vidal